« Si l’Europe se défait, nous aurons la guerre »*
– Vendredi 9 mai 2025
Cécilia Gondard, Secrétaire nationale adjointe au Nouveau modèle de développement et aux Droits humains
Christophe Clergeau, Député européen et Secrétaire national à l’Europe
Demandez dans la rue à un·e Français·e : « C’est quoi, pour vous, le 9 mai ? » Les moins jeunes vous répondent : « Vous voulez dire, le 8 mai ? ». Les autres lèveront les yeux au ciel. Car on se souvient un peu de la guerre, et on oublie vite qu’on est en paix. Il y a 75 ans, Robert Schuman, un des pères fondateurs de l’Europe, nous rappelait que lorsque « l’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre ». Tandis que la dernière génération qui l’a connue, s’éteint, le coup de semonce de la montée du fascisme sur tous les continents, nous la rappelle.
Notre génération vit dans le déni de la guerre et de la paix. Lorsque des réfugiés fuyant des guerres viennent se mettre à l’abri en Europe, nous construisons des murs, nous fermons nos frontières, ou pire : nous payons des pays frontaliers plus pauvres pour qu’ils ne les laissent plus passer. Nous ne voulons pas les voir. Nous ne voulons pas les accueillir. Nous craignons d’entendre leur histoire. Elle nous rappellera celle de nos grands-parents qui, il n’y a pas si longtemps, ont connu l’exil, ont fui les bombes et l’occupation. Peur de l’empathie. Déni de réalité. Ils sont des êtres humains, nous les traitons de migrants. Ils sont musulmans, nous les traitons de terroristes. Ils meurent de faim au Soudan ou à Gaza, nous coupons l’aide humanitaire. Que reste-t-il de notre humanité ? Elle semble avoir été aspirée par le néo-libéralisme, qui a effacé les mémoires nationales et familiales, érigé l’égoïsme et l’individualisme en vertu, détruit toute solidarité au nom de l’efficacité. Elle est aujourd’hui aspirée par le populisme et le racisme, par la haine de l’autre, qu’il ait une autre religion, une autre orientation sexuelle, un autre genre, ou une autre couleur de peau. La différence est partout, elle est aussi facile à trouver qu’à blâmer.
Face au nationalisme et à l’individualisme, nous socialistes, portons les espoirs de la solidarité. La solidarité, c’est penser l’humanité comme un tout, penser l’autre comme un autre soi. C’est se protéger en protégeant les autres, et inversement. C’est accueillir les enfants des autres comme nous voudrions qu’ils accueillent nos enfants.
Or « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait », nous disait Robert Schuman. Les libéraux et l’extrême droite ont un dessein commun : ils voudraient faire de l’Europe une simple zone de libre-échange sans solidarité entre les pays : « I want my money back », disait Thatcher, tandis que le programme du RN parle de baisse de la contribution de la France au budget de l’UE. Ils ne veulent pas non plus de solidarité entre les régions et les Européens : pour eux la baisse des fonds structurels et de cohésion semble inéluctable dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027. De fait, aujourd’hui, la droite et l’extrême droite s’attaquent ensemble aux règles communes dont l’Europe s’est dotée : ses normes environnementales avec le Pacte Vert, ses règles communes sur l’agriculture ou sur la transparence financière des entreprises. « On règlemente trop », disait Macron il y a un an. Son alliée Von der Leyen déréglemente, c’est-à-dire supprime des règles votées démocratiquement par l’Union européenne en appelant cela « simplification » ou « omnibus ». Complices avec l’extrême droite, plus rien ne semble les arrêter.
« Si l’Europe se défait, nous aurons la guerre », nous prédisait Robert Schuman il y a 75 ans. Et tandis que cette Europe se défait, soumise à la nouvelle convergence entre droite et extrême-droite, la guerre est déjà à nos portes, en Ukraine. La voix de la paix, de la solidarité et de la souveraineté de l’Europe, nous l’avons portée il y a un an, aux élections européennes, et elle est plus que jamais, au cœur de nos combats de gauche en ce 9 mai, journée de l’Europe.
* Déclaration Schuman, 9 Mai 1950
